Les Souterrains de Limoges, d’Aug. M.., a été publié en feuilleton au milieu du XIXe siècle, et n’est encore jamais paru en volume. Il s’agit ici d’une redécouverte fondamentale pour le patrimoine littéraire tant du point de vue de l’historiographie de la littérature populaire que de la géographie littéraire attachée au Limousin.
En l’an 1680, le trouble envahit l’abbaye de Saint-Martin-lès-Limoges. Le frère Martial, jeune moine avide de science, a-t-il conclu un pacte avec les forces occultes ? L’enquête de deux frères feuillants les mène au cœur des souterrains de Limoges, véritable lieu mythique – quoique absolument réel – de la ville.
Ce roman d’aventures haletant est aussi un roman fantastique : un terrifiant loup-garou est de la partie. C’est également un roman d’amour : le héros est tiraillé entre deux figures féminines qui réactivent l’opposition archétypale entre la femme protectrice et la femme fatale. La grande Histoire vient aussi interférer avec l’histoire locale : la fameuse Affaire des Poisons sert de toile de fond à l’intrigue.
Ce roman-feuilleton ne peut qu’intéresser un large public. On sait que les thèmes de la magie et de la religion remportent un grand succès dans la littérature populaire d’aujourd’hui. Et pour ce qui est du roman d’aventures, on découvre ici un texte du niveau des meilleurs romans d’Alexandre Dumas.
Mais ce récit foisonnant et parfois stéréotypé peut aussi intéresser un lecteur cultivé, que ce soit pour se plonger dans les délices du second degré ou pour découvrir, nom après nom, paysage après paysage, l’un des premiers récits à faire de Limoges un lieu romanesque. Outre le réalisme balzacien du Curé de village (écrit entre 1838 et 1841, il prend Limoges pour cadre), ce feuilleton redécouvert est l’occasion d’une représentation chatoyante qui ressuscite les éléments identitaires les plus fascinants de la ville. C’est le cas de cette abbaye des Feuillants aujourd’hui disparue, c’est le cas de ces souterrains qui se constituent en double mystérieux de la cité, et c’est le cas de l’utilisation d’éléments identitaires d’une ville, d’une région et de son patrimoine à travers par exemple l’art de l’émail.
Autre enquête dans laquelle le lecteur se trouve entrainé : la mystérieuse signature de l’auteur, « Aug. M. ». L’hypothèse retenue par Les Ardents Éditeurs est celle de l’attribution du texte à Auguste Maquet (1813-1888), le désormais célèbre « nègre » d’Alexandre Dumas, dont l’importance dans leur collaboration ne cesse d’être réévaluée à la hausse. Maquet, qui était un habitué des pseudonymes, est l’auteur unique de plusieurs romans-feuilletons. La date de publication, les centres d’intérêt, le style, tout conduit à ce qui est une découverte éditoriale, Les Souterrains de Limoges ne figurant encore dans aucune de ses bibliographies officielles.
Pour le lancement de cette nouvelle collection, Stéphane Capot, conservateur des archives municipales de Limoges, propose son regard de spécialiste et son approche de lecteur averti sur la redécouverte d’une œuvre importante pour l’histoire de Limoges et au-delà pour celui du patrimoine littéraire populaire.
Sur la rive droite de la Vienne se remarquent d’emblée les deux noyaux urbains de Limoges au Moyen Âge, protégés par leurs remparts : la Cité, massée autour de la cathédrale Saint-Étienne, et le Château, ville marchande bâtie autour de la grande abbaye Saint-Martial, disparue à la Révolution. Situés à l’extérieur des remparts, non loin des portes des deux villes et des voies d’accès principales, les faubourgs ou « barris » ont vu s’implanter en trois vagues successives - avant l’an mil, au XIIIe siècle avec les quatre ordres mendiants des Franciscains, Jacobins, Carmes et Augustins, puis au XVIIe siècle au temps de la réforme catholique - plusieurs établissements religieux importants. (…)